Considérée comme étant la représentation d’un idéal féminin à travers les âges, cette figure féminine, nommée Vénus au XIXe siècle, est en quelque sorte un archétype de la beauté. Toutes aussi énigmatiques et iconiques les unes que les autres, elles interpellent le regard, le bousculent, l’intimident, voire le séduisent. Qu’elles soient considérées comme impudiques ou au contraire vertueuses, madones ou outrageuses, ces représentations de la féminité cachent aujourd’hui encore bien des secrets. Plongez avec moi dans un récit souvent fantasmé autour de l’une des images les plus représentées dans l’Histoire de l’art.
Les premières représentations féminines dans la préhistoire
C’est en Europe durant le paléolithique supérieur que les premières représentations féminines apparaissent. Appelées Vénus de Willendorf , Vénus de Lespugue ou encore Vénus de Brassempouy… elles ont respectivement 30 000 ans, 28 000 ans et 24 000 ans. Découverte sur les rives du Danube, en Haute-Garonne et dans les Landes, ces statuettes de la période du Gravettien (paléolithique supérieur caractérisé par l’industrie lithique) incarnent toute la puissance d’une féminité exacerbée. Aux attributs féminins souvent hors normes, elles défient en quelque sorte toute réalité anatomique. Ces figurines aux interprétations multiples, initient le point de départ de l’engouement artistique pour la représentation du corps féminin et la profondeur de sa signification symbolique.
Considérées aujourd’hui comme des sortes de déesses préhistoriques, quelles rôles avaient ces Vénus ? Représentaient-elles la fécondité et la maternité ? Sont-elles des témoins d’une société ou organisation matriarcale ? Les avis sur le sujet divergent.
Avec une réelle démarche stylistique qui rappelle le cubisme selon les figurines, ces compositions à l’anatomie exagérée ont fasciné bien des artistes des millénaires plus tard. Considérées aujourd’hui comme les premières oeuvres d’art, elles sont devenues ces icônes d’un temps lointain. Troublantes et fascinantes par l’émotion qu’elles suscitent, elles ont inspiré des grands noms de l’art contemporain tels que Pablo Picasso, Louise Bourgeois et Niki de Saint-Phalle, entre autres.
Antiquité : berceau de la naissance de Vénus
Cette période est incontestablement la référence en matière de représentation féminine. C’est dans la mythologie grecque puis romaine d’où elle tire son nom, qu’elle trouve son origine. Considérée comme une véritable divinité, elle s’apparente à la déesse de l’amour et de la fertilité, symbole d’une beauté une fois de plus idéalisée. Présentes dans des lieux de cultes païens, ces Vénus étaient perçues comme des objets de prières.
Sculptures exécutées dans la plus pure tradition classique, la Vénus de Milo et la Vénus Callipyge sont toutes deux des figures d’une féminité axée avant tout sur la beauté des corps.
Les représentations de cette époque les montrent souvent dans des poses gracieuses où les courbes sont suggérées à demi-voilées.
Ces Vénus se distinguent à travers une multitude de formes artistiques, des sculptures aux mosaïques, des sanctuaires aux fresques domestiques. Du fait de sa beauté naturelle et de son caractère sensuel, Vénus était souvent dépeinte nue, reflétant ainsi l’essence même de sa nature. Les sculptures les plus célèbres citées précédemment sont parmi les exemples les plus emblématiques de cette époque.
Le Moyen-Age et la représentation féminine
Comme souligné auparavant, la déesse Aphrodite chez les grecs et la déesse Vénus chez les romains ont tous deux participé aux canons de beauté de cette figure féminine. Très présente jusqu’à la fin de l’Antiquité, qu’en est-il du Moyen-Age ? La représentation de cet idéal féminin sous les traits d’une Vénus antique est-elle présente ? Loin des idées reçues sur le sujet, le Moyen-Age n’est pas une période dépourvue de figures féminines. Lorsqu’elles sont représentées dans la plus pure tradition antique dans des ouvrages, il est stipulé dessous “Venus, dea luxurie”. L’iconographie greco-romaine est ensuite adaptée au christianisme dans une forme plus allégorique. La perception chrétienne médiévale de la mythologie a donc fait de la Vénus une figure plus admissible dans le cosmos chrétien.
Renaissance : un renouveau pour l’art antique
Après un certain puritanisme médiéval où les formes presque androgynes des protagonistes féminins, à quelques exceptions, ont prédominé durant tout le Moyen-Age, l’art antique et ses figures féminines voluptueuses réapparaissent. Des représentations de plus en plus sophistiquées d’une prouesse picturale inégalée consacrent de véritables chefs-d’oeuvres.
Durant la première période de la Renaissance, peut-être encore imprégnée d’une morale moyenâgeuse, apparaît une Vénus à la dimension divine. La “Naissance de Vénus” de Botticelli offre une représentation symbolique mettant en scène la naissance de la déesse. Ses proportions corporelles inhabituelles montrent, entre autres à l’observateur, ses qualités surnaturelles. La prédominance d’une certaine pudicité à cette époque, a confisqué au corps féminin toute érotisation.
Il faut attendre environ un demi siècle plus tard, pour qu’une Vénus plus érotique voie le jour sous les traits de la “Vénus d’Urbin” de Titien d’une beauté quasi scandaleuse. C’est un autre chef d’oeuvre de la peinture vénitienne, la Vénus endormie de Giorgione d’une beauté très évocatrice qui inspira le Titien pour sa toile.
Le baroque et ses Vénus
La période baroque, qui s’étend à peu près du début du XVIIe siècle au milieu du XVIIIe siècle, a été marquée par un style artistique flamboyant et théâtral, caractérisé par des mouvements dramatiques, une utilisation intense de la lumière et de l’ombre.
Dans la peinture, on observe une continuation des représentations de la figure féminine, souvent empreintes de symbolisme et de sensualité. La Vénus baroque peut être vue comme une fusion entre les idéaux classiques et la spiritualité religieuse qui dominait l’époque.
Des artistes comme Rubens ou Velázquez ont produit des œuvres représentant Vénus d’une manière plus charnelle et réaliste, mettant en avant la sensualité. Les tableaux baroques peuvent aussi refléter des scènes mythologiques, où la déesse de l’amour est souvent entourée d’autres divinités ou de personnages mythologiques.
Puis petit à petit, la figure de la Vénus s’amenuise lorsque émergent des mouvements artistiques tels que l’abstraction, ou l’impressionnisme. Même si un des pères de ce courant, Édouard Manet avec sa toile Olympia est un hommage à la Vénus de Titien.
La représentation de Vénus dans l’art moderne
Ils sont nombreux les artistes qui ont trouvé une inspiration profonde dans les Vénus de la préhistoire. Incarnant des archétypes intemporels de la féminité, de la fertilité, voire de la spiritualité, elles n’ont cessé d’influencer des peintres comme Picasso dans sa quête de formes primitives. Des sculpteurs aussi comme Niki de Saint-Phalle avec ses Nana aux formes arrondies et colorées qui incarnent la puissance féminine, la maternité et la beauté dans des formes contemporaines et ancrées dans les origines de l’humanité. Bottero, qui a également exploré les thèmes des Vénus préhistoriques dans son art revisitant l’esthétique primitive tout en la combinant avec des éléments modernes, créant ainsi une fusion entre le passé et le présent.
Dans l’ensemble, tous ces artistes ont trouvé dans les Vénus à travers les époques une source d’inspiration pour explorer des idées de féminité, de puissance créatrice et de lien intemporel avec les racines de l’humanité. Ces Vénus ancestrales ou plus proches de nous, ont été réinterprétées et réinventées à travers ces innombrables œuvres, leur permettant à chaque fois de transmettre des messages contemporains à partir de symboles anciens.