Vous avez sûrement déjà croisé, dans un magazine, sur internet, dans un espace public ou dans un musée, ces figures féminines colorées aux formes généreuses connues sous le nom de « Nanas ». Joyeuses, ces sculptures se déclinent dans différentes postures et sont le fruit de l’ingéniosité de cette artiste franco-américaine d’avant-garde, Niki de Saint Phalle. Pionnière du féminisme dans le monde de l’art, son univers est fait de mystères, de rêves et de défis sociétaux. Bien que ses travaux aient été critiqués, souvent en raison de ses prises de position, elle demeure une figure emblématique de l’art contemporain.
La « mise à mort » de ses tableaux
En 1961, Niki de Saint Phalle fait une entrée fracassante dans le monde de l’art. Après des envies de mise en scène, une forte dépression, c’est dans la peinture que Niki de Saint Phalle s’impose par une créativité sans bornes.
Son premier tableau « cible » intitulé Portrait of My Lover invite les spectateurs à lancer des fléchettes sur une chemise d’homme fixée sur une planche couverte de plâtre blanc. Rapidement, l’idée de tirer sur un tableau apparaît et permet aux participants une expérience hors du commun. L’artiste veut utiliser la violence, et faire saigner ses toiles et ainsi la transformer en une oeuvre pleurante.
La mise à mort du tableau est empreint de violence et de beauté. Ses performances lui valent l’admiration de nombreux artistes contemporains qui l’intègrent dans le mouvement des Nouveaux Réalistes où elle est la seule femme.
Après deux ans d’exaltation et d’un succès considérable, Niki de Saint Phalle renonce à ce procédé macabre et joyeux à la fois.
Après cette « provocation » nécessaire pour elle, l’artiste se dirige vers un monde plus intérieur, plus féminin.
Des mariées soumises aux prostituées
Des mariés aux putains, aux mères qui accouchent…ce sont tous ces rôles variés de la femme dans la société que l’artiste met en lumière. Ces femmes qu’elles soient vierges, mères ou prostituées, ne sont-elles pas toutes considérées comme des êtres sacrifiés, privés du droit de choisir librement leurs désirs ?
Ainsi, Niki de Saint Phalle va créer au fil du temps, une mythologie féminine sans égal.
Les « Nanas » : un éloge à la féminité
Ces sculptures généreuses, débordantes d’énergie et de couleurs, sont bien plus qu’un simple hommage à la féminité. Inspirée par l’effervescence des mouvements de libération des femmes, Niki de Saint Phalle a cherché à transcender les normes traditionnelles de la beauté. Avec ses « Nanas » totalement décomplexée et fantasque, elle réinterprète le corps féminin, le libérant des contraintes et lui conférant un pouvoir quasi mythologique.
Les mères dévorantes : la part d’ombre de la féminité ?
Que dire de ces mères dévorantes qui apparaissent dans les années 70. Que signifient-elles ? Représentent-elles cette mauvaise mère en nous, celle qui côtoie la bonne mère ?
Un art aux influences variées
Niki de Saint Phalle n’était pas seulement une artiste, mais également une érudite. Passionnée par les mythologies et les contes, elle s’est inspirée des grandes héroïnes de différentes cultures. Son Jardin des Tarots en Toscane est le témoignage parfait de cette symbiose entre art et légende. Chaque sculpture, immense et brillante, raconte une histoire, plongeant le spectateur dans un monde où réalité et imagination ne font qu’un.
Elle était également influencée par ses contemporains, dont Picasso, Gaudi, Pollock, sans oublier Jean Tinguely, avec qui elle a collaboré à de nombreuses reprises et qui était son mari. Leurs œuvres communes, souvent mécaniques et en mouvement, sont des témoignages de cette période bouillonnante de créativité.
Niki de Saint Phalle a été également influencée par l’art brut, notamment par Le Facteur Cheval.
Un héritage perpétuel
Comme d’autres, Niki de Saint Phalle a laissé une empreinte indélébile dans le monde de l’art. Ses créations qui souvent fusionnent différentes matières, qu’il s’agisse de ses sculptures, de ses peintures ou de ses installations, ont inspiré et continuent d’inspirer des générations d’artistes. Ses « Nanas », autrefois controversées, sont ensuite célébrées comme des icônes du féminisme et de la liberté artistique.
Bien plus qu’une simple artiste, Niki de Saint Phalle était une visionnaire, une magicienne, une femme qui a défié les conventions et qui, par son art, a cherché à guérir et à unir. Elle nous rappelle que l’art est un outil puissant de changement et que chaque création porte en elle le pouvoir de changer soi-même et de transformer le monde.