J’avais une vingtaine d’années lorsque je me suis retrouvée pour la première fois avec la biographie de Tina Modotti entre les mains. C’est une amie peintre et sculptrice qui m’a dit “ce livre devrait te plaire” et je suis tombée dès les premières lignes sous le charme de cette femme, de son histoire si passionnée et passionnelle et de son engagement. Un de ces livres dont vous ne revenez pas indemne.
Tina Modotti est une artiste italienne qui a marqué l’histoire de la photographie ainsi que la cause révolutionnaire dans la première moitié du XXe siècle. Elle était à la fois une photographe, une actrice et une militante politique engagée. Femme talentueuse, sensuelle et libre, c’est au Mexique dans un pays en plein bouleversement social et culturel que Tina Modotti va faire des rencontres déterminantes, de celles qui transforment une vie.
Tina Modotti : une histoire d’ascension sociale
Tina Modotti est née en 1896 à Udine en Italie dans un milieu modeste et deux ans après sa naissance toute la famille Modotti part s’installer en Autriche où son père a trouvé un emploi. Vers ses 9 ans environ, Tina Modotti revient à Udine avec ses parents. Le retour dans son pays d’origine est un moment difficile pour la petite Tina. Il en va de même pour son père qui peu de temps après part pour l’Amérique avec sa fille aînée. Tina, sa mère et ses quatre frères et soeurs restent au pays jusqu’à ce qu’elle parte à son tour en 1913.
Remarquée pour sa beauté, elle devient mannequin, puis rencontre à San Francisco le peintre et poète Roubaix de l’Abrie Richey dit « Robo » qu’elle épouse. Ils partent ensuite à Los Angeles où elle décroche de petits rôles au cinéma. C’est dans cette ville bouillonnante que Tina Modotti fait la connaissance d’Edward Weston photographe américain de renom. Elle devient son modèle, son amante et plus tard son assistante.
Robo et Edward Weston partent au Mexique où ils sont invités à exposer. Tina est à Los Angeles lorsque son mari décède peu de temps après de la variole. Catastrophée, elle part immédiatement à Mexico avec mission de maintenir l’oeuvre de son mari. Fascinée par ce pays en pleine effervescence politique, culturelle et sociale, elle est introduite dans le cercle des muralistes. Le décès brutal de son père l’éloigne momentanément du Mexique pour y revenir à nouveau aux côtés d’Edward Weston qui fera de Tina véritablement son assistante. Elle commence à travailler à ses côtés et développe un style unique. Elle mène de front ses différentes collaborations, sa carrière personnelle en tant que photographe et met ses talents au service du photojournalisme pour El Machete, journal du Parti Communiste.
Tina Modotti : une artiste engagée
Tina Modotti photographie les gens du peuple mais pas seulement. C’est de sa rencontre avec les artistes et intellectuels mexicains dont entre autres l’incommensurable Diego Rivera qu’elle rejoint le Parti Communiste mexicain en 1924. Sa maison devient un lieu de rencontre pour les exilés dont elle soutient les causes et les luttes.
La rencontre avec Julio Antonio Mella, jeune révolutionnaire cubain en exil abattu en pleine rue juste à ses côtés va totalement bouleverser sa vie. La perte d’une part de cet être aimé puis d’autre part l’enquête orientée qui veut faire de ce meurtre une histoire passionnelle qui aurait mal tourné, la mettent à mal. Des photos de nus prises par Edward Weston sont réquisitionnées lors des innombrables perquisitions dans le but de salir et ternir la réputation de la photographe. Elle sera dépeinte comme une communiste dépravée et cette manoeuvre délibérée ainsi que le procès vont causer du tort à sa carrière. Malgré son innocence, elle continuera à être harcelée par la police et les médias. Tina Modotti sortira meurtrie de cette histoire ce qui va encore plus motivée son engagement dans la lutte sociale. De photographe militante elle bascule à photographe révolutionnaire.
Suite à un attentat contre le président mexicain en 1930 dont le parti communiste est accusé, Tina Modotti est expulsée du Mexique. Sur le bateau qui la ramène en Europe, elle retrouve un ami italien Vittorio Vidali agent soviétique qui essaie de la convaincre de le suivre à Moscou. A son arrivée à Rotterdam le consul italien tente de l’arrêter car l’Ovra la police mussolinienne est sur sa trace. Mais grâce aux avocats du Secours rouge international, Tina Modotti échappe à cette arrestation et part pour Berlin où elle prend contact avec le mouvement du Bauhaus.
N’arrivant pas à s’intégrer dans son nouvel environnement, elle part retrouver Vidali à Moscou. Elle pensait trouver sur ces terres soviétiques considérées comme le premier état communiste un écho à ses luttes et à son art. Et pourtant ce n’est que désenchantement car son art ne correspond absolument pas aux exigences du réalisme stalinien.
Comme elle le présageait depuis quelque temps, elle abandonne la photographie afin de se consacrer corps et âme à la lutte contre le fascisme. C’est aux côtés du Secours rouge international que sa lutte s’intensifie. Les dernières années ont été intenses et traumatisantes pour Tina. Le meurtre de Mella, l’acharnement médiatique et policier, le rigorisme des dirigeants du Parti communiste etc. la plongent de plus en plus dans sa quête, celle de porter de l’aide à toutes ces personnes qui souffrent du fascisme. Prenant différents pseudonymes, elle se rend auprès de familles de prisonniers politiques, aide des militants pourchassés en Hongrie, en Roumanie, en Pologne etc.
C’est ensuite en Espagne qu’elle se rend avec son compagnon Vidali où tous deux sont très actifs. Jusqu’à la fin de la guerre elle va oeuvrer pour les orphelins de guerre.
Une fois de plus Tina Modotti doit fuir et reprend le bateau pour l’Amérique où cette dernière est renvoyée au Mexique. Elle se cache et vit sous une autre identité sans pour autant abandonner la cause et travaille au soutien des réfugiés de la guerre d’Espagne. Peu de temps après que l’ordre d’expulsion qui la frappait soit annulé, elle meurt en 1945 d’une crise cardiaque dans un taxi.
Tina Modotti : sa contribution à la photographie
Tina Modotti était une artiste passionnée et engagée qui a contribué à l’avènement de la photographie sociale. Ses photos sont célèbres pour leur esthétique et leur sensibilité sociale. Elle s’est spécialisée dans des sujets tels que les classes ouvrières, les mouvements sociaux et politiques et les paysages urbains. Elle a popularisé l’utilisation de la lumière naturelle et de la composition artistique dans la photographie. Sa carrière est une source d’inspiration pour de nombreux artistes et militants.
Elle s’est liée d’amitié avec certains des plus grands personnages du début du siècle dernier tels que Pablo Neruda, Malraux, Hemingway, Frida Kahlo et Diego Rivera… Il est quasiment impossible de parler de la photographe sans parler de ses luttes et de ses engagements. Car c’est justement tout cela qui la compose et qui font qu’elle est cette artiste avec une aura si particulière.
Tina Modotti
