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Crédit photo Elia Lutz

Ophélie végétales : une ode à l’éphémère

Dans le vaste monde de l’art, le personnage d’Ophélie, issu de la tragédie de William Shakespeare intitulée « Hamlet », est devenu au fil des siècles une égérie mythique au sort tragique. Avec elle apparaît une image tantôt fragile, romantique et douloureuse, presque spleenétique, tantôt perdue et incomprise, mais toujours une héroïne victime de circonstances dramatiques et de son environnement.

Outre la passion malheureuse du personnage dans la pièce du dramaturge, poète et acteur anglais, c’est toute l’esthétique picturale engendrée, entre autres par le tableau de John Everett Millais, qui va nourrir mon imaginaire. Touchée par l’iconographie d’Ophélie, c’est par la photographie de végétaux, en particulier de fleurs immergées dans différents liquides et parfois gelées, que cet héritage romantique donnera naissance de manière totalement inconsciente à ce que je vais par la suite appeler mes Ophélie végétales. Je vous propose dans cet article de vous amener à la rencontre de ces « Belles endormies ».

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Crédit photo Elia Lutz

La figure d’Ophélie dans mes portraits gelés

Tout comme l’Ophélie shakespearienne, mes héroïnes sont immergées, flottantes dans l’eau. Dans l’œuvre du dramaturge, cette beauté innocente et vierge, morte par noyade, est entourée de mystère et de symbolisme, notamment à travers les fleurs qui l’accompagnent. Cette image où beauté et tragédie se rejoignent dans une vision mélancolique est vraiment marquante et indissociable de l’œuvre.

Dans mes portraits végétaux, la figure d’Ophélie est représentée par des fleurs, parfois achetées, offertes ou ramassées, souvent abîmées. Tout comme ce personnage littéraire, elles sont immortalisées dans leur jeunesse, allongées et figées par mes photographies.

À travers mes photographies, je mets en lumière la beauté évanescente, la fragilité, l’imperfection, l’inachèvement, le déséquilibre, le vide et l’absence de toutes choses. Cette contemplation du temps qui passe révèle la profondeur et la délicatesse de l’éphémère.

Il m’est arrivé, après avoir cueilli, mis en scène, gelé puis photographié un végétal, de le déposer encore à moitié figé au bord de l’eau et de le regarder s’en aller. À ce moment-là, c’est comme si le cycle était totalement accompli.

L’impermanence éternisée

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Crédit photo Elia Lutz

Mes photographies impliquent un processus minutieux où les fleurs sont immergées dans de l’eau, du lait ou de l’encre et parfois gelées, puis photographiées. Ce processus permet de créer des œuvres où la fugacité de la beauté est figée comme dans un tableau. Chaque photographie est une capture de la splendeur éphémère, rappelant la fragilité et la temporalité de la vie. Donner ainsi une forme d’éternité à ce qui est par nature transitoire.

L’impermanence est une notion profondément ancrée dans de nombreuses philosophies et traditions. Elle rappelle que rien n’est permanent, que tout est en constant changement et mouvement.

Thème de la beauté sensible

Tout comme Ophélie, elles représentent la beauté sensible et la fragilité de l’existence. Les fleurs gelées symbolisent un instant figé dans le temps, une beauté qui, bien que temporaire, est capturée pour une éternité éphémère. Métaphore pour désigner ce moment si parfait et si intense qu’il semble durer pour toujours, même s’il ne dure qu’un instant, telle une fleur qui ne fleurit qu’un jour mais dont la beauté laisse une impression indélébile.

À l’instar des œuvres de Millais, où chaque fleur a une signification particulière, les fleurs que je photographie ont leur propre symbolisme et langage. Elles représentent non seulement la nature et la vie, mais aussi la mort et la renaissance, des thèmes omniprésents dans l’histoire d’Ophélie, mais pas uniquement. En tant que thème universel que chaque artiste transcende à sa manière, la vie et la mort, liées à jamais, racontent la même histoire, celle de la permanence sublimée par l’impermanence. Tout le paradoxe de notre existence, où chaque moment est à la fois insignifiant et infiniment précieux. Car tout ce qui est éphémère devient inestimable par sa rareté.

Elia L.

Tantôt rédactrice, tantôt artiste, je vous invite dans mon univers oscillant entre deux mondes.

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