Utagawa Hiroshige, né Andō Tokutarō en 1797, est l’un des artistes les plus éminents de l’ère Edo au Japon. Connu principalement pour ses estampes ukiyo-e, Hiroshige a laissé une empreinte indélébile dans l’histoire de l’art japonais. Ses œuvres offrent une poésie et une vision sensible de la beauté éphémère de la nature japonaise. Elles sont une fenêtre sur une époque révolue mais éternellement captivante.
Le contexte historique de l’Ukiyo-e
L’ukiyo-e, littéralement « images du monde flottant », est un genre d’art japonais qui a prospéré du XVIIe au XIXe siècle. Il comprend des estampes sur bois et des peintures qui dépeignent des scènes de la vie quotidienne, des paysages, des beautés féminines, des acteurs de kabuki et des lutteurs de sumo. Hiroshige, avec Hokusai, est l’un des maîtres incontestés de ce genre artistique.
Les débuts de Hiroshige
Hiroshige est né à Edo (aujourd’hui Tokyo) dans une famille de samouraïs de rang inférieur. Orphelin à l’âge de 12 ans, il a pris en charge les responsabilités de chef de famille. Fasciné par l’art dès son plus jeune âge, il a commencé son apprentissage auprès de l’artiste ukiyo-e Utagawa Toyohiro à l’âge de 14 ans. Sous la tutelle de Toyohiro, il a appris les techniques de l’estampe sur bois et a commencé à développer son propre style.
Les oeuvres maîtresses de Hiroshige
Les estampes de Hiroshige sont reconnues pour leur composition unique et leur utilisation magistrale des couleurs. Ses œuvres les plus célèbres incluent :
- Les cinquante-trois stations du Tōkaidō : publiée pour la première fois en 1833, cette série de 55 estampes représente les paysages et les scènes le long de la route Tōkaidō, reliant Edo à Kyoto. Chaque estampe capture l’essence de chaque station qui mêle nature, architecture et vie quotidienne.
- Les cent vues célèbres d’Edo : une autre série emblématique, réalisée entre 1856 et 1858, qui présente des vues panoramiques de la ville d’Edo. Hiroshige y dépeint les saisons changeantes, les temples, les ponts et les quartiers populaires avec une sensibilité poétique.
- Les soixante-neuf stations du Kiso Kaidō : cette série, en collaboration avec Keisai Eisen, explore une autre route importante du Japon, la Nakasendō, reliant Edo à Kyoto à travers les montagnes.
Style et innovation
Hiroshige est souvent loué pour sa capacité à capturer l’atmosphère et l’essence des paysages naturels. Contrairement à Hokusai, dont le style est souvent plus dramatique et énergique, Hiroshige adopte une approche plus subtile et lyrique. Il utilise des techniques de perspective innovantes pour créer une profondeur dans ses scènes et sa maîtrise des couleurs et des nuances transmet des émotions délicates et une sérénité paisible.
Suivant la tradition des meisho-e, il capture des lieux célèbres comme des ponts, des rivières, des cascades, des lacs, des côtes, des montagnes, des rizières, des temples et autres sanctuaires, des théâtres ainsi que des maisons de thé, des auberges et des boutiques. Avec à chaque fois des scènes de la vie quotidienne. Ces vues sont animées par des foules colorées et des personnages de tous horizons tels que des voyageurs, des marchands, des artisans, des paysans et aussi des pèlerins, des moines, des samouraïs et bien sûr les incontournables geishas.
L’influence sur l’art occidental
Les œuvres de Hiroshige ont eu une influence considérable sur l’art occidental, particulièrement après l’ouverture du Japon au commerce international au milieu du XIXe siècle. Les estampes ukiyo-e ont inspiré de nombreux artistes européens, notamment les impressionnistes comme Claude Monet, Vincent van Gogh et James McNeill Whistler.
Captivé par l’utilisation de la couleur et de la composition d’Hiroshige, Van Gogh a reproduit l’estampe « Le Pont sous la pluie » (Pluie à Ohashi, Hiroshige) dans son propre style, fasciné par la manière dont Hiroshige a capturé l’atmosphère pluvieuse et l’impact de la météo sur le paysage et les personnes.
« La Branche d’amandier en fleurs » est une peinture de Van Gogh où l’influence des motifs floraux japonais est flagrant avec une composition simple et épurée qui rappelle les estampes de Hiroshige.
Van Gogh a découvert les estampes japonaises à Paris dans les années 1880, à une époque où l’Europe entière était fascinée par l’art et la culture du Japon, un mouvement connu sous le nom de japonisme. Les estampes ukiyo-e étaient particulièrement populaires et Van Gogh a commencé à collectionner ces œuvres.
En ce qui concerne Claude Monet, « Les Jardins de Giverny » est une toile directement inspirée par les jardins japonais. Le célèbre pont japonais surplombant les nymphéas est une référence directe aux estampes de Hiroshige qui représentent des ponts et des paysages aquatiques.
« Les Séries de Peintures » est une série de peintures de Monet, où il explore le même sujet sous différentes conditions de lumière et de saison, rappellent les séries de Hiroshige comme « Les Cinquante-trois Stations du Tōkaidō ». Cette approche systématique et répétitive pour capturer la fugacité du moment est une caractéristique partagée par les deux artistes.
Héritage et impact
Hiroshige est décédé en 1858, mais son influence perdure. Ses estampes continuent d’être célébrées pour leur beauté et leur finesse et elles sont exposées dans les musées du monde entier. Son travail offre non seulement une vision esthétique du Japon de l’époque Edo, mais aussi une réflexion sur la relation entre l’homme et la nature.
Son atelier accueillait jusqu’à dix-huit élèves qui, bien que ne possédant pas son génie, achevaient certaines de ses séries. Deux de ces élèves sont devenus ses gendres, en 1845 après le décès de son fils, Hiroshige adopta son disciple Shigenobu, qui épousa sa fille Tatsu et prit le nom de Hiroshige II. Après le divorce de Shigenobu, un autre disciple, Shigemasa, épousa également la fille de Hiroshige et travailla sous le nom de Hiroshige III.
Utagawa Hiroshige reste une figure emblématique de l’art japonais, un poète visuel dont les œuvres captivent encore aujourd’hui. Ses estampes, avec leur composition harmonieuse et leur attention aux détails, offrent une évasion dans un monde de beauté et de tranquillité. Pour les amateurs d’art, Hiroshige est un incontournable, un artiste prolifique dont les œuvres transcendent le temps et continuent de résonner avec les spectateurs modernes.