Les musées, souvent perçus comme des gardiens infaillibles de l’héritage culturel et artistique, ne sont pourtant pas à l’abri des contrefaçons. Loin d’être un phénomène nouveau, les fausses œuvres d’art ont infiltré les collections muséales depuis des siècles, posant des défis complexes aux conservateurs, experts et au grand public. Nous allons découvrir ensemble, les différentes facettes des contrefaçons dans les musées, les scandales les plus célèbres, ainsi que les moyens mis en œuvre pour prévenir et gérer ces situations.
L’histoire des contrefaçons dans les musées
Comme vous pouvez l’imaginer, les contrefaçons dans les musées ne sont pas un phénomène récent. L’histoire des faux remonte à l’Antiquité, mais c’est véritablement à la Renaissance, avec l’essor du marché de l’art, que la production de faux a pris une ampleur significative. Les collectionneurs avides d’acquérir des œuvres anciennes ont souvent été la cible des faussaires. Par exemple, les statues prétendument antiques, comme le Kouros du Getty Museum, se sont révélées être des fabrications modernes, malgré des techniques scientifiques initialement convaincantes.
Les musées, parfois dupés par des experts eux-mêmes trompés ou corrompus, ont intégré ces œuvres dans leurs collections, croyant acheter des pièces authentiques. L’exemple du Kouros illustre bien comment des analyses techniques peuvent être contournées par des faussaires talentueux, qui utilisent des matériaux anciens et des techniques sophistiquées pour donner à leurs œuvres une apparence authentique.
Les scandales révélés
Le scandale Giuliano Ruffini : quand les plus grands musées du monde tombent dans le piège de la contrefaçon
Un des scandales les plus notoires est celui du faussaire Giuliano Ruffini, dont les œuvres attribuées à des maîtres tels El Greco et bien d’autres ont été exposées dans de prestigieux musées à travers le monde, y compris le Louvre, National Gallery de Londres et le Metropolitan Museum of Art. Ce scandale a mis en lumière les failles du système d’authentification des œuvres d’art et montre que même les plus grandes institutions peuvent être trompées.
Les fausses figures étrusques du Met
Un autre cas célèbre est celui des figures étrusques en terre cuite du Metropolitan Museum of Art, exposées pendant près de trois décennies avant que des analyses scientifiques ne prouvent qu’elles étaient des faux modernes.
Le scandale des faux du Musée Étienne Terrus
Un scandale éclate en 2018 dans la petite commune d’Elne, située dans les Pyrénées-Orientales, lorsqu’il est révélé que plus de la moitié des œuvres exposées au musée Étienne Terrus sont des contrefaçons. Ce musée consacré à l’artiste local Étienne Terrus avait acquis ces œuvres au fil des années, sans se douter qu’elles étaient fausses. L’affaire est découverte lorsqu’un historien de l’art, chargé de l’inventaire des collections en vue de la réouverture du musée après des rénovations, identifie plusieurs incohérences stylistiques et techniques. Au total, environ 82 des 140 œuvres du musée sont déclarées comme des contrefaçons, causant un préjudice estimé à plus de 160 000 euros. Ce scandale a jeté l’opprobre sur tout un secteur et sur la nécessité de renforcer les procédures d’authentification et de due diligence lors de l’acquisition d’œuvres d’art, même pour des artistes régionaux moins connus.
Un réseau criminel derrière les fausses oeuvres de Francis Bacon
La même année, une affaire retentissante a éclaté en Italie lorsque les forces de l’ordre ont saisi environ 500 œuvres prétendument signées par le célèbre peintre britannique Francis Bacon. Ces œuvres, découvertes dans plusieurs lieux à travers le pays, étaient suspectées d’être des contrefaçons. L’opération a révélé un vaste réseau de fraude, où ces fausses œuvres étaient utilisées pour des activités de blanchiment d’argent, permettant aux criminels de dissimuler des fonds illégaux sous couvert de transactions d’art.
Le trio trompeur
Cette fois, c’est d’un trio dont il s’agit. Grâce à l’entremise du couple d’escrocs Glafira Rosales et José Carlos Bergantiños Díaz, ce dernier ayant déjà été accusé de trafic de faux en Espagne en 1999, le peintre et faussaire chinois Pei-Shen Qian a réussi à tromper le monde de l’art pendant des années. Pour cela, il lui a suffi d’utiliser certaines techniques certes sophistiquées et des matériaux d’époque fournis par ses complices. A eux trois, ils ont réussi à vendre des contrefaçons à des musées et aussi à des galeries, notamment la galerie Knoedler à New York.
Ce scandale a révélé les failles du système d’authentification et l’importance cruciale de la provenance dans le monde de l’art. Ces révélations remettent également en question l’autorité des experts.
La prévention et la gestion des contrefaçons
Face à ces défis, les musées adoptent diverses stratégies pour détecter et gérer les contrefaçons. L’une des approches consiste à utiliser des techniques scientifiques avancées, telles que l’analyse des pigments et les technologies d’imagerie, pour vérifier l’authenticité des œuvres. Cependant, ces méthodes ont leurs limites, car elles peuvent être aisément contournées par des faussaires.
En outre, la transparence peut être vue comme une stratégie clé pour certains musées. C’est le cas d’institutions comme la Courtauld Gallery à Londres qui ont choisi d’exposer ouvertement leurs contrefaçons dans des expositions dédiées. Ainsi le musée transforme ces erreurs en opportunités d’éducation pour le public et les chercheurs. L’exposition intitulée « Art et Artifice » présentera une sélection d’une trentaine de faux qui comprennent sept peintures et vingt-cinq dessins, issus de sa propre collection. Autrefois considérées comme des œuvres originales de grands maîtres, ces contrefaçons remarquables seront exposées avec des explications sur leur histoire et les méthodes employées pour les identifier comme des faux. Le public pourra ainsi explorer les dessous de ces tromperies artistiques et comprendre les techniques de détection utilisées pour les démasquer.
Cette démarche vise à démystifier le phénomène des contrefaçons, à encourager une réflexion critique sur l’authenticité et la valeur de l’art ainsi qu’à sensibiliser le visiteur.
L’éternelle lutte contre les contrefaçons
Les contrefaçons dans les musées et plus généralement sur le marché de l’art sont un problème complexe et persistant. Si les faussaires deviennent de plus en plus sophistiqués, les musées doivent redoubler d’efforts pour renforcer leurs procédures d’authentification et améliorer la transparence vis-à-vis du public. En fin de compte, ces défis rappellent que l’histoire de l’art est aussi une histoire de falsifications et que chaque œuvre doit être approchée avec un esprit critique et une vigilance accrue.
Cette réflexion sur les contrefaçons nous invite donc à reconsidérer notre relation avec l’art et les institutions qui le préservent. Elle nous demande de reconnaître la complexité et l’imperfection inhérentes à l’étude et à la conservation de l’héritage artistique.