Installez-vous confortablement, baissez la lumière et fermez les yeux. Imaginez une piste de danse, une lumière tamisée, des regards hésitants et des coeurs palpitants. Une musique, l’une des plus plus langoureuses et sirupeuses qui soit à la mélodie enveloppante, presque hypnotique. Puis, « tu danses ? », une main qui effleure l’autre, un frisson qui parcourt tout le corps et soudain…
Ce que je vous propose aujourd’hui est un peu déroutant, je dois l’avouer, une sorte d’invitation à des sensations oubliées.
Pour les quadras et les quinquas, le slow est comme une madeleine de Proust, pour les autres, une musique ringarde, dépassée voire même kitch. Et pourtant sans le slow nous n’aurions pas connu toutes ces sensations folles.
Oublié, fustigé, le slow a été pourtant ce rituel qui nous a façonné. Attendu par les uns et redouté par les autres, le slow est-il vraiment mort et enterré ? Et s’il nous manquait, ne serait-ce qu’un petit peu ?
Je ne sais pas vous, mais moi j’ai bien envie d’un dernier slow, ça vous dit ?
Le slow : un rite nécessaire ?
Pour les plus jeunes le slow, sans être jugé ringard, est tout simplement inexistant. C’est une danse révolue, qui ne leur évoque RIEN, aucun souvenir, si ce n’est peut-être cinématographique. Pour nous autres en revanche, il évoque toute une époque, toute notre jeunesse.
Sorte de passage obligé, il a été un moment clé de notre socialisation.
Même si le slow n’a duré que quelques décennies, il y aura marqué le siècle de son empreinte.
L’histoire d’un slow
L’origine exacte du slow semble un peu flou, pour certains il dérive du slow fox-trot. D’origine nord américaine, cette danse à pas glissée et plutôt lascive, est en quelque sorte une invitation à la rencontre. C’est dans les années 1950 que le slow fait son apparition, porté par des crooners charismatiques pour ensuite connaître son âge d’or vers 1980-90 puis s’éteindre petit à petit.
Une danse populaire
C’est ainsi que des millions de jeunes, souvent adolescents, ont vécu sur une piste de danse, la plupart du temps improvisé dans un sous-sol, un garage, une salle des fêtes, une école… leurs premiers émois amoureux.
L’occasion rêver de se rapprocher enfin, de celle ou de celui que l’on avait repéré(e) secrètement dans la cour d’école.
Comment le slow a codifié les rencontres amoureuses ?
Considéré par certains comme un rite initiatique, le slow a permis aux adolescents et même aux préadolescents pour les plus précoces, l’occasion de vivre leur premier émoi sensuel. Avant tout un enlacement, le slow est un langage des sens pour des corps qui s’apprivoisent.
Pour nos parents et pour nous, le slow était bien plus qu’un moment musical, il incarnait une rencontre et pourquoi pas un premier pas qui pouvait aboutir à une relation plus intime. Combien de garçons ont ainsi « emballé » une fille sur une piste de danse, mais il faut le rappeler aux jeunes générations, le slow était un rituel ultra codifié. C’est pourquoi, il n’était pas rare que des garçons trop entreprenants se prennent des « râteaux », car pas de consentement, pas de danse.
Chaque mouvement était savamment orchestré et synchronisé en une chorégraphie implicite. Les bras des filles se posaient délicatement autour du cou du garçon, tandis que ceux du garçon autour de la taille de la fille. Une distance plus ou moins grande selon les affinités, une respiration retenue, puis lentement la musique faisait son oeuvre.
Une prise de risques
Souvenez-vous, c’était pour les garçons un vrai challenge. Traverser toute une pièce sous les regards des autres, partagés entre trac et espoir, pour demander à une fille, si elle voulait bien danser avec lui. Un exercice à haut risque mais qui, en cas de succès, pouvait tout bouleverser. Pendant ce temps, non loin de là, les filles faisaient tapisserie en guettant du coin de l’oeil, une invitation qui tardait à venir parfois. Tout cela faisait partie du jeu, de sa magie. Car au-delà de ce rituel social, il se jouait bien plus que quelques pas de danse. Le slow était à lui seul, un condensé de la vie elle même, d’audace, de refus et de victoires.
Quand les artistes s’en mêle
Aujourd’hui de plus en plus artistes, intellectuels, sociologues, psychologues ou simples parents s’émeuvent de la disparition du slow. C’est notamment le cas de l’artiste plasticienne ORLAN qui lance un cri d’alarme « Il faut danser le slow, le sauver et rapprocher les corps. »
Une phrase pleine de sens et une invitation à replonger le temps d’un slow dans ces ambiances surannées. Pour cela, voici ma sélection des slows les plus mémorables de toute l’Histoire de la musique.
Slows anglo-saxons :
- Simply Red : If You Don’t Know Me By Now (1989)
- Berlin : Take My Breath Away (1986) B.O Top Gun
- Prince : Purple rain (1984)
- Sinéad O’Connor : Nothing Compares 2 U (1990)
- Foreigner : I Want to Know What Love Is ( 1984)
- Scorpion : Still loving you (1984)
- The Cars : Drive (1984)
- The Moody Blues : Nights in White Satin (1967)
- The Korgis : Everybody’s Got To Learn Sometime (1980)
- R.E.M : Everybody Hurts (1983)
- The Bangles : Eternal Flame (1988)
- Chris De Burgh : Lady in red (1986)
- George Michael : One more try (1987)
- Europe : Carrie (1986)
- Sam Braun : Stop (1988)
- Richard Marx : Right Here Waiting (1989)
- A-ha : Hunting High and Low (1985)
- Alphaville : Forever Young (1984)
- Lionel Richie : Say you say me (1985), Lady (1980)
- The Righteous Brothers : Unchained Melody (1990) B.O Ghost
- Rolling Stones : Angie (1973)
- Led Zepplin : Stairway to Heaven (1971)
- Brian Adams : Everything I Do (1991) B.O Robin des bois
- Phil Collins : Against All Odds (Take a Look at Me Now) (1984)
- Youssou N’Dour et Neneh Cherry : 7 Seconds (1994)
- Bonnie Tyler : Total eclipse of the heart (1983)
- Frankie Goes to Hollywood : The Power of Love (1984)
- Billy Idol : Eyes Without A Face (1983)
- Pretenders : I’ll Stand by You (1994)
- ZZ Top : Rough boy (1985)
- INXS : Never Tear Us Apart (1988)
- Elton John : Sacrifice (1989)
- Joe Cocker : Up where belong (1982) B.O An Officer and a Gentleman
- Eagles : Hotel California (1976)
- Percy Sledge : When a Man Loves a Woman (1966)
- Billy Joel : Honesty (1978)
- Eurythmics : The Miracle of Love (2004)
- Jevetta Steele : Calling you (1987) B.O Bagdad Café
- Procol Harum : A Whiter Shade of Pale (1967)
- Metallica : Nothing Else Matters (1991)
- The Platters : Only you (1959)
- Lenny Kravitz : Stand by My Woman (1991)
- Nat King Cole : Unforgettable (1952)
- Elvis Presley : Love me tender (1956)
- Michael Jackson : I Just Can’t Stop Loving You (1987)
- Lorraine Ellison : Stay With Me (1966)
- Chris Isaac : Wicked Games (1989)
- KOOL & THE GANG : Cherish (1981)
- etc
Slows français
- Christophe : Les mots bleus (1974)
- Serge Gainsbourg : Je t’aime… moi plus (1969)
- Véronique Sanson : Amoureuse (1972)
- Francis Cabrel : Je l’aime à mourir (1979)
- Joe Dassin : Et si tu n’existais pas (1975), Le dernier slow (1979)
- France Gall : La déclaration d’amour (1976)
- Daniel Lavoie : Ils s’aiment (1983)
- Bibie : Tout doucement (1985)
- Nicole Croisille : Une femme avec toi (1975)
- Renaud : Mistral gagnant (1985)
- William Sheller : Un homme heureux (1991)
- Michel Polnareff : Love me, please love me (1966)
- Diane Tell : Si j’étais un homme (1980)
- Il était une fois : J’ai encore rêvé d’elle (1975)
- Eddy Mitchell : Couleur Menthe à l’eau (1980)
- Françoise Hardy : Message personnel (1973)
- Françoise Hardy et Marc Lavoine : Chère amie (1989)
- Johnny Hallyday : Je te promets (1986)
- Pierre Bachelet : Elle est d’ailleurs (1980)
- Mecano : Une femme avec une femme (1988)
- Mike Brant : Laisse-moi t’aimer (1970)
- Laurent Voulzy : Belle île en mer (2013)
- Guy Marchand : Destinée (2014)
- Céline Dion : Pour que tu m’aimes encore (1995)
- Richard Cocciante : Le coucher de soleil (1980)
- Vladimir Cosma, Richard Sanderson : Reality (1980) B.O La boum
- etc.
Slows italiens
- Umberto Tozzi : Te amo (1977)
- Laura Pausini : La solitudine (1993)
Quelle jeune fille n’a pas rêvé se retrouver un walk-man posé sur les oreilles bercée par l’un de ces slows mythiques, comme dans la fameuse scène du film La boum ?
Le slow : entrer en résistance
Comme souligné précédemment des voix s’élèvent et entrent en résistance. Car comment imaginer, qu’une danse qui nous a autant apporté, puisse disparaître dans une indifférence totale ! Lié à l’intime et aux sensations, le slow fait partie de notre inconscient collectif, d’une tradition de la danse qui remonte à des temps très anciens.
Dans un monde où tout va toujours plus vite, où l’instantanéité des émotions règne, le slow est une sorte d’apologie à la lenteur du temps et des sentiments.