le retable
Le retable l'Agneau mystique des frères Van Eyck

Le retable de l’Agneau mystique : une allégorie de la lumière et du sacré

Le retable de l’Agneau mystique, ou L’adoration de l’Agneau mystique est une œuvre transcendant les siècles par sa beauté lumineuse et sa portée spirituelle. Créée par les frères Hubert et Jan van Eyck, cette polyphonie visuelle, composée de vingt quatre panneaux majestueux, véritable joyau de la Renaissance flamande, a été l’objet de bien des vicissitudes. Visible dans la cathédrale Saint-Bavon à Gand, en Belgique, il capte les regards et l’âme de ceux qui s’en approchent. Achevé en 1432, ce retable est non seulement une prouesse artistique, mais aussi un récit vivant, gravé dans l’histoire tourmentée de l’Europe.

Genèse d’une oeuvre sacrée

Lorsque Joos Vijd et son épouse Élisabeth Borluut commandèrent cette œuvre monumentale pour orner la cathédrale Saint-Bavon, ils ne pouvaient imaginer l’impact durable que ce retable aurait sur l’art et la culture occidentale. Bien que Hubert van Eyck ait jeté les bases de cette œuvre, c’est à Jan van Eyck que l’on doit son achèvement, une alchimie entre l’esprit médiéval et la sensibilité naissante de la Renaissance.

Chaque panneau du retable est une porte ouverte sur un monde riche en symboles et en spiritualité, offrant une lecture complexe de la rédemption chrétienne. Au centre de cette symphonie picturale, l’Agneau de Dieu, symbole du Christ sacrifié, trône dans une scène d’adoration où le terrestre et le céleste se rencontrent.

L’art de la lumière : une alchimie visuelle

Là où tant d’artistes auraient laissé la lumière comme simple élément parmi d’autres, Jan van Eyck en fait le protagoniste silencieux de sa création. Le retable est une célébration de la lumière et des ombres, un jeu délicat qui révèle l’essence divine de ses sujets. La technique du glacis, perfectionnée par van Eyck, permet à la lumière de se fondre dans les pigments, créant des textures d’une richesse inédite, où chaque reflet semble murmurer une prière. Les armures des anges, les étoffes somptueuses et les paysages luxuriants sont autant de surfaces sur lesquelles la lumière danse, évoquant à la fois la matérialité du monde et la splendeur du divin.

La nature comme source d’inspiration

Les détails minutieux du retable témoignent d’une observation presque scientifique de la nature, un hommage à sa beauté éphémère. Chaque feuille, chaque brin d’herbe est peint avec une telle précision qu’ils semblent vivants, prêts à être effleurés par le vent. Cette attention méticuleuse rappelle une autre œuvre, plus intime, qui capture elle aussi l’essence du vivant dans son plus grand éclat avant la chute inévitable​​.

Un voyage semé d’épreuves : la destinée du retable

Le Retable de l’Agneau Mystique a traversé les siècles tel un pèlerin, portant les stigmates des épreuves qu’il a endurées. Depuis sa création, il a été au cœur de convoitises et de drames, de  tentatives de vol à répétition ce qui en fait l’oeuvre la plus dérobée de l’histoire, de déplacements forcés et d’actes de vandalisme. Le vol des Juges intègres en 1934 reste l’un des épisodes les plus mystérieux de son histoire, un chapitre inachevé où l’original demeure introuvable, remplacé par une copie qui ne saurait effacer l’absence ressentie.

La Seconde Guerre mondiale et le sauvetage par les Monuments Men

Lors de la Seconde Guerre mondiale, ce trésor inestimable faillit disparaître à jamais, caché par les nazis dans une mine de sel, préservé in extremis par les efforts des Monuments Men, ces gardiens modernes de l’art et de la culture. Le retable, tel un phénix, renaît de ses cendres, témoignage de la résilience de l’art face à la barbarie.

La restauration : révéler l’essence cachée

 

Commencée en 2012, la restauration du Retable de l’Agneau Mystique a permis non seulement de redécouvrir des couleurs et des détails depuis longtemps voilés par le temps, mais aussi de rendre hommage à l’œuvre originale. Les restaurateurs, dans leur quête de vérité, ont retiré les couches successives de vernis et de surpeintures, révélant une inscription cachée derrière les figures de la Vierge Marie et de Jean-Baptiste, un hommage silencieux à Hubert van Eyck, le frère disparu.

Cette restauration n’a pas seulement redonné vie au retable, elle a aussi ouvert une fenêtre sur le processus même de conservation, un dialogue entre passé et présent qui a captivé les visiteurs. Dans cette transparence, une nouvelle dimension de l’œuvre a été dévoilée, celle de sa fragilité et de son besoin constant de protection.

Une oeuvre éternelle

Le retable de l’Agneau mystique n’est pas seulement une œuvre d’art ; il est un pont entre le matériel et l’immatériel, un hymne à la lumière et au sacré. Son histoire mouvementée rappelle que l’art, aussi intemporel soit-il, est vulnérable aux aléas du temps, mais qu’il possède aussi une force de résilience inégalée.

Aujourd’hui, à la cathédrale Saint-Bavon de Gand, ce chef-d’œuvre restauré continue d’émerveiller, offrant aux visiteurs une vision de la beauté éternelle, une rencontre avec le divin à travers les yeux des maîtres flamands. Il demeure une source inépuisable d’inspiration pour les artistes, les historiens et les amateurs d’art, un témoignage de l’excellence humaine au service du spirituel.

Elia L.

Tantôt rédactrice, tantôt artiste, je vous invite dans mon univers oscillant entre deux mondes.

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