Aujourd’hui nous allons nous intéresser à une figure légendaire de la poésie française souvent associée à l’image de la rébellion et à une vie fascinante, marquée par la précocité, la fulgurance et le mystère. Arthur Rimbaud dont les photographies sont rares et pourtant si célèbres, a fait récemment l’objet d’un documentaire qui met en lumière ces clichés et la construction de l’image d’icône. Que nous révèlent-elles sur ce génie audacieux et si novateur ? C’est ce que nous propose de découvrir Alexis Metzinger dans “Les trois visages d’Arthur Rimbaud.”
A la recherche du véritable visage du poète
Diffusé sur France 3, ce film de 52 minutes met en lumière comment ces photographies, souvent altérées pour correspondre au mythe, ont contribué à façonner une image idéalisée de Rimbaud qui reste aujourd’hui encore puissante dans l’imaginaire collectif.
C’est à partir des trois “vies” de Rimbaud, qu’Alexis Metzinger tente, au-delà de l’image faussée et façonnée au fil des siècles, de retrouver le vrai visage de celui qui a été tour à tour, communiant, poète rebelle et aventurier.
Le réalisateur part dans une sorte de quête, sur la trace de ces photos retouchées qui ont permis de façonner la légende autour du poète. Metzinger nous montre comment ces portraits ont évolué pour répondre à un besoin d’idéal, et confronte ainsi l’authenticité de ces images à leur rôle dans la perpétuation du mythe rimbaldien.
Pourquoi ce documentaire est à voir ?
Pour le mythe Rimbaud autour de son oeuvre littéraire et ses photographies
Comme vous le savez, l’oeuvre de Rimbaud a profondément révolutionné la poésie française et pas seulement. Elle a influencé d’innombrables artistes pluridisciplinaires, des écrivains et des mouvements littéraires, notamment le symbolisme et le surréalisme en France et à l’étranger.
Et saviez-vous que l’une des photographies les plus reproduites au XIX est justement le fameux portrait d’Arthur Rimbaud en jeune rebelle débraillé alors âgé de 17 ans ?
Ce portrait emblématique d’Arthur Rimbaud réalisé par Étienne Carjat, pris en 1871 à l’initiative de Paul Verlaine, devient l’incarnation d’une vision de la jeunesse rebelle et bohème. Ce cliché, où Rimbaud apparaît avec des cheveux ébouriffés, une cravate de travers et un regard perdu, témoigne à la fois de son aspect innocent et de son caractère intense. Bien que jeune, il adopte une pose qui annonce le futur « poète maudit » et participe à cristalliser un mythe autour de lui. Ce portrait est devenu l’un des plus célèbres de la poésie française, et a à tout jamais figé Rimbaud à 17 ans dans l’imaginaire collectif comme le symbole de la révolte et de l’avant-garde littéraire. Des artistes tels que Pablo Picasso, Alberto Giacometti ou Sonia Delaunay s’inspirent de ce portrait.
Un autre portrait, cette fois Rimbaud en communiant, va susciter un grand intérêt pour les surréalistes comme Jean Cocteau, Robert Lanz ou Valentine Hugo entre autres, qui y voyaient un paradoxe fascinant entre innocence et subversion.
Ses photographies de voyages ont quant à elles, exercé une influence majeure sur les écrivains outre-atlantique de la Beat Generation tels que Kerouac, Ginsberg, Cassady inspirés par l’esprit d’errance et de liberté de Rimbaud.
Ainsi le mythe autour de Rimbaud est à la fois dû à son oeuvre qui brise les conventions littéraires pour accéder à une nouvelle réalité, faite de visions mystiques et de couleurs inédites. Mais aussi par l’imagerie poétique autour de l’artiste, son insoumission et sa quête d’absolu.
Comment le mythe Rimbaud a t-il été façonné ?
C’est sa soeur Isabelle Rimbaud, qui après la mort de son frère en 1891, entreprend de contrôler et de “purifier” l’image du poète. Une démarche cruciale dans la construction du mythe Rimbaud. Profondément religieuse, Isabelle est choquée par la réputation sulfureuse de son frère, marquée par ses écrits audacieux, sa relation avec Verlaine et son parcours de “poète maudit”. Elle cherche à redéfinir son image pour la rendre plus conforme aux valeurs chrétiennes, insistant sur une vision plus douce et apaisée d’Arthur Rimbaud. Elle travaille aussi à promouvoir son œuvre poétique en choisissant minutieusement les textes et correspondances publiés, limitant l’accès aux écrits les plus provocateurs pour préserver la mémoire familiale.
Elle joue donc en quelque sorte un rôle de “gardienne” de l’héritage de Rimbaud, contribuant au développement de sa légende en le fixant dans une image d’éternelle jeunesse et en supprimant des aspects plus sombres ou controversés de sa vie.
Malgré ses efforts, ce n’est pas la première photo célèbre du poète en communiant retouchée par soeur mais la seconde, le fameux portrait décrit plus haut, qui est entrée au même titre que le portrait du Che (Guvara) ou de Marilyn (Monroe) dans l’imaginaire collectif.
D’autres photos dont des autoportraits réalisés par Rimbaud lui-même en voyage circulent également. Ces photos, elles aussi retouchées, contribuent à sceller l’image énigmatique d’un Rimbaud aventurier, entre mythe et réalité.
Et enfin pour le fantasme qu’il suscite depuis plusieurs siècles
Une fois encore, il est difficile de distinguer ce qui appartient à la réalité ou au fantasme. Tout, absolument tout ce qui touche de prêt ou de loin à Rimbaud est mystifié. Ses écrits souvent obscurs sont sujets à de maintes interprétations. Chacun peut trouver sa propre vérité dans ses écrits. Toujours insaisissable, son image a été tellement transformée avec des originaux sûrement à perdus à jamais, Rimbaud demeure cette figure de révolte, d’indépendance intellectuelle et de quête d’absolu, symbole éternel d’une jeunesse en quête de l’inconnu et de la transgression.