A l’héroïne de mes nuits

 

C’est avec malice que tu as peuplé des années durant mon imaginaire d’enfant.

A la fois mon alter ego, ma grande sœur, mon double, tu me faisais vivre des aventures romanesques où se mélangeaient autant les contes destinés aux enfants que les épopées familiales racontées lors des veillées. C’est ainsi que je me suis retrouvée à tes côtés à galoper à toute allure dans les steppes hongroises poursuivies par quelques hussards. Le soir suivant, sous une tente dans une oasis luxuriante à boire un thé avec des touaregs, ces hommes bleus à la peau tannée par le désert. Ou encore autour d’un feu un soir de pleine lune en plein milieu d’une cérémonie amérindienne où les chants et les tambours résonnaient dans les grandes plaines. Et une autre fois à courir à perdre haleine pour fuir un paysan furieux de lui avoir chapardé quelques œufs…

Au fil de nos exploits merveilleux et ordinaires nous devenions toujours plus aventurières. Jeune fille intrépide, tu n’avais peur de rien ni de personne. Tu fumais la pipe et les bandits des grands chemins n’avaient qu’à bien se tenir lorsque tu apparaissais au loin. 

Voilà comment des années durant toi la montreuse d’ours, la fille de ces fils du vent tu as chaque nuit enchanté mon endormissement. 

Chacun de ces lieux et illustres personnages fantômes d’un autre temps je les avais déjà croisés auparavant. Je leurs avais comme par magie au fil de mon imagination insufflée un peu de vie. Ces courageux hussards hongrois n’étaient que des aïeux…les hommes bleus échappés d’une photo accrochée au mur…le désert, un endroit où mon père s’était jadis retrouvé militaire…la cérémonie amérindienne, une histoire d’un livre pour enfant… Quant à la pipe que fumait mon héroïne, c’est celle qui trônait depuis des années sur le rebord de la cheminée. Elle incarnait la “chicaméma” cette grande tante mystérieuse à la chevelure couleur charbon de bois et aux jupes aussi vastes que le monde. 

Et toi mon héroïne tu étais, et je l’ai compris bien longtemps après, cette grand-mère que je n’ai pas connue. 

C’est ainsi que chaque soir lorsque les étoiles venaient enfin parsemer le ciel, je te retrouvais toi ma bohémienne, ma vagabonde couverte de nuit. 

Elia L.

Tantôt rédactrice, tantôt artiste, je vous invite dans mon univers oscillant entre deux mondes.

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